Capitaine de l’arme blindée et cavalerie de réserve
Premier Régiment de Spahi
Ecrivain
Auteur de la trilogie :
« A demeure »
« Le tambour de Marengo »
« La femme de nulle part »
La famille Prouvost
est implantée dans la région de Wasquehal, Roubaix , et Lille depuis des temps immémoriaux,
au moins le XIV° siècle:
sa stabilité rurale ou urbaine, son attache constante avec les principes sociaux, religieux, culturels de ces époques,
ses fonctions locales, sa tradition textile depuis le Moyen-âge
se développèrent avec l''essort économique des XIX° et XX° siècles.
Nous nous attacherons à étudier
l'esprit
de ceux qui ont illustré cette famille.
Citons
Pierre Prouvost dans la généalogie qu'il rédigea en 1748
et le littéraire C. Lecigne, en 1911, au sujet du poète Amédée Prouvost:
" Dès l’âge de cinq ans, Amédée Prouvost se sentit dépositaire d’une tradition et comme l’héritier présomptif d’une royale lignée :
il apprit un à un le nom de ses prédécesseurs et que chacun d’eux signifiait depuis quatre siècles et demi,
beaucoup d’honneur, de travail et de foi chrétienne.
On
ne voulut pas qu’il
puisse méconnaître ce passé et, si, par
impossible, il lui arrivait d’être
infidèle, qu’il eût l’excuse
de l’ignorance.
Un jour le père prit la plume et, sans orgueil, sans autre prétention que de donner à ses enfants la conscience intégrale de leurs origines,
il écrivit les annales de sa famille.
Avant
tout, il songea à celui qui était son
premier né, l’espérance de la
dynastie ; il s’adressa à lui :
« Je
crois utile, mon
cher fils, dès tes premiers pas dans ta vie
d’écolier, de t’initier à ce
que
tes maîtres ne pourront t’enseigner avec autant de
persuasion que ton père,
j’entends
L’amour
de la famille,
Le
respect
de ses traditions
d’honneur,
Un
attachement inébranlable
aux convictions religieuses de nos pères,
Et
Leur
fidélité aux traditions
monarchiques.
Je considère comme un devoir
De te donner comme modèle cette lignée d’ancêtres.
Si elle ne compte pas d’hommes illustres, il doit nous suffire de dire avec
Pierre
Prouvost en 1748 :
« Voila
la description
des descendants des Prouvost et de ceux qui se sont alliez jusques a la
fin de
cette année mille sept cens quarante huit. Et on peut dire
sans vanité, que
lesdits du surnom Prouvost, ont toujours vécu en gens de
biens, d’honneurs et
de bonne réputation en la foi catholique apostolique et
romaine et les plus
notables des villages qu’ils ont
habitez «
Et puis, ayant dit
cela, il
le conduisit devant la muraille où s’alignaient
les portraits des aïeux
paternels.
Ce ne fut pas une revue fastueuse, théâtrale, comme on en voit dans le drame romantique.
Devant la figure de Jean Prouvost, seigneur de Wasquehal en 1460, échevin de Roubaix en 1474,
le père ne
dit pas à son enfant :
C’est
l’ainé, c’est
l’aïeul,
l’ancêtre, le grand homme !
Il lui rappela seulement qu’il avait vécu en honnête homme et en brave chrétien.
Dans
les femmes se haussent facilement jusqu’à l’héroïsme.
L’une d’elle mériterait une longue notice ;
elle était la fille de Pierre Prouvost et elle garde’ dans les souvenirs de Roubaix le nom pieux et doux de
Soeur Béatrix :
Toute jeune, au mois de janvier 1749,
elle é tait rentrée au couvent de saint-Elisabeth de Roubaix.
Elle
était prieure de son monastère
lorsqu’éclata
et signifient aux religieuses qu’elles ont à se disperser dans les vingt quatre heures.
Sœur Beatrix avait alors 65 ans ; elle sortit très calme, sans une plainte.
Elle était à peine dans la rue qu’on la fit arrêter et écrouer dans la prison de Lille.
On l’accusait d’avoir caché une brique d’or et fabriqué je ne sais quelles boites de plomb.
La foule souveraine a besoin de colossales idioties ; on la servait à souhait.
Sœur Béatrix ne se troubla point ; elle comparut devant le comité révolutionnaire et repoussa du pied l’absurde accusation.
Elle écrivit une lettre d’ironie sereine qui se terminait par ces mots :
forte de mon innocence, je ne crains pas de demander au comité la prompte décision de mon affaire et de ma mise en liberté. »
A l’heure où les femmes les plus héroïques ne savaient que bien mourir, sœur Béatrix eut le courage de se défendre.
Après une longue captivité, elle sortit de la tourmente saine et sauve mais triste à jamais.
On la revit dans la famille, portant le deuil de son couvent détruit et de sa mission interrompue.
Elle s’en alla doucement mais elle ne mourut pas toute entière.
Son visage resta populaire au foyer des pauvres et au chevet des malades.
Sœur Béatrix ressuscitera un jour sous le pinceau d’Amédée Prouvost:
c'est bien sa figure qui rayonne dans le "Poème du travail et du rève":
Dans le halo neigeux et frais de son rabat,
Son visage très pur que la coiffe angélise
Se penche, souriant, comme un lys sous la brise,
Vers le moribond blème et las qui se débat.
Près de la couche où lentement il agonise,
Durant ces nuits sans fin où la fatigue abat,
Elle veille, égrenant son rosaire tout bas,
Avec une ferveur suppliante d'église.
Sa robe est vénérée au faubourg populeux
Comme un habit de sainte à l'or miraculeux.
De ses lèvres les mots ainsi que des prières
Viennent au coeur du pauvre apaiser la douleur,
Et ses pieuses mains douces comme des fleurs
Se posent sur les fronts pour fermer les paupières.
Le nom de Béatrix n'était pour Dante qu'un symbole de divine poésie; il sera plus et mieux pour Amédée Prouvost.
Il le recueillera pieusement comme le symonyme des plus pures gloires de sa maison et il le mettra sur le berceau de sa petite fille."
Dans cette revue du passe, les figures changent, les âmes
restent pareilles.
Elle a eu ses exilés, ses prisonniers, ses héros. Elle réapparait au lendemain du cataclysme, un peu diminuée dans sa fortune, grandie dans l'honneur et par l’épreuve. Ellereprend sa vie
de travail et de simplicité. Et voici un tableau d'intérieur qui est fait pour charmer les regards d’Amédée Prouvost : « On menait une vie très simple dans la bonne petite ville de Roubaix
dont les habitants, voués par vocation et tradition à la vie de famille et au travail se contentaient de ces habitudes toutes patriarcales. Les maisons avaient de grands jardins
plantés d'arbres fruitiers, aux allées bordées de buis où fleurissaient au printemps pervenches et muguets, tulipes de Hollande, œillets flamands et roses de Chine.
Dans le fond se trouvait la pelouse où s’étendaient à certains jours le beau linge de fine toile de Cambrai et de Flandre dont la lessive était un des grands soucis des bonnes ménagères du temps. Ces richesses se transmettaient de génération en génération, contenues dans de grandes armoires de chêne massif aux panneaux sculptés…
Au
foyer, un jour ne se passait pas pour ainsi dire sans qu’on apprit par cœur une
ou deux maximes des livres saints, et ces éternelles lois sociales étaient la
matière d’un enseignement domestique positif et solide. On travaillait
beaucoup, on lisait peu, et c’était surtout dans les livres saints que l’on
puisait les vérités maîtresses.
Dans cet intérieur qui a des aspects de sanctuaire se dressent des chefs de famille auxquels il ne manque que l’éloignement de la perspective pour avoir la majesté des patriarches.
Ce sont les derniers portraits de
Les XIX° et XX° siècles
suscitèrent des personnages et des personnalités